nauguré pour la première fois en 1878, le musée régional de Boké est un établissement administratif retraçant les faits culturels de la Guinée et de sa région. Subdivisé en trois parties, ce bâtiment à étage abrite des archives administratives et civiles, ainsi que des pièces muséales décrivant l’histoire, les mœurs et les cultures des ethnies qui composent la région de Boké. Il comprend également le chemin des esclaves, long de 360 mètres et surnommé « le chemin de non-retour », par lequel les esclaves étaient conduits vers les quais négriers pour être envoyés en Amérique ou en France. Une cave souterraine, autrefois réservée aux esclaves capturés et enfermés dans des cachots, témoigne également de cette sombre époque.
Située dans la partie ouest de la Guinée, la région de Boké marque le début de l’histoire coloniale guinéenne. C’est en effet depuis cette zone que les colons ont établi leur domination dans les années 1870. Créé par le gouverneur Louis Faidherbe, ce musée fut le premier poste français des Rivières du Sud. Cependant, il convient de rappeler que 50 ans auparavant, l’explorateur René Caillié était déjà passé par cette région dans sa quête de Tombouctou. Dans le cadre du commerce des esclaves établis par les colons, ce musée fut témoin du départ de milliers de fils et filles de Guinée vers un destin douloureux. En observant la prison des esclaves, où nos ancêtres étaient entassés et enchaînés comme des bêtes sauvages, et en parcourant la route des esclaves menant au port, on imagine aisément l’enfer qui les attendait de l’autre côté de l’océan. Une histoire aussi douloureuse que regrettable, qui donne envie de remonter le temps pour changer le cours des événements, tant les atrocités subies par notre peuple sont inhumaines.
Le musée régional de Boké est donc une véritable mine de savoir. Il renferme de nombreuses pièces collectées durant la période coloniale, décrivant l’histoire, les mœurs et les cultures des différentes ethnies de la Guinée maritime et d’autres régions du pays. Ce qui fait la richesse de ce musée, c’est son immense valeur historique. Rien n’a été laissé au hasard dans son aménagement.
Dès l’entrée, les visiteurs sont accueillis par des canons, symboles de la conquête du pays par les colons, rappelant ainsi que notre peuple s’est battu contre l’envahissement occidental. Une stèle en hommage à René Caillié se trouve également dans la cour. Mais pour honorer la mémoire des résistants face à l’oppression coloniale, des bustes de figures historiques telles qu’El Hadj Oumar Tall, Almamy Samory Touré, Alpha Yaya Diallo et Dinah Salifou Camara y sont exposés.
Ce bâtiment, datant de l’époque coloniale, a été rénové à plusieurs reprises par les ressortissants de la région. La dernière restauration, en 2021, a été réalisée par l’ancien chef d’État-major de l’Armée de terre, le général de brigade Mohamed Diané, originaire de Boké. À l’époque, l’officier avait justifié cette initiative par le souci de préserver ce grand patrimoine historique. Grâce à cette rénovation, les lieux ont été réaménagés et enrichis par diverses œuvres d’art, notamment la baignoire de Samory Touré, son coffre-fort et trois fusils de ses Sofas. Deux salles ont également été aménagées : l’une pour l’exposition de photographies et l’autre pour les œuvres d’art locales.
Malgré cette richesse historique et culturelle, le musée régional de Boké demeure sous-exploité et manque de valorisation. En conséquence, les visiteurs se font rares, et cet édifice patrimonial risque de tomber dans l’oubli. Pire encore, de nombreux Guinéens ignorent jusqu’à son existence et son importance.
Pourtant, si ce musée était mieux entretenu et promu, il pourrait devenir l’un des sites touristiques les plus visités de Guinée. Il est si riche en patrimoine culturel et historique que, si des moyens financiers et humains y sont investis, il pourrait rayonner à travers toute l’Afrique, voire au-delà. Prenons l’exemple du musée historique du Sénégal sur l’île de Gorée : aujourd’hui, ce site est un lieu touristique incontournable et une source de revenus importante pour le pays. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce modèle pour mettre en valeur notre propre héritage ?
Hélas, il est regrettable de constater que de nombreux Guinéens ne connaissent pas l’existence du musée régional de Boké, alors qu’il représente un trésor de savoir et de mémoire. Ce manque de visibilité soulève plusieurs interrogations :
Pourquoi un tel patrimoine est-il si peu connu des Guinéens ? Est-ce un manque de moyens financiers investis dans sa promotion et son entretien ? Est-ce un problème de mauvaise gestion des ressources allouées ? Ou bien est-ce dû à une incapacité à mettre en valeur nos propres acquis culturels et historiques ? Quoi qu’il en soit, quelque chose ne va pas.
Toutefois, il est essentiel de rappeler que la préservation et la valorisation du patrimoine culturel et historique jouent un rôle crucial dans l’éducation et le développement local et national. Il est donc primordial de sauvegarder et de promouvoir le musée régional de Boké afin de transmettre aux générations futures la mémoire de notre passé.